Un tango à Buenos Aires
Ludivine Balana vit en couple avec un Argentin. C’est une danseuse passionnée par le tango argentin, justement.
Pourquoi avoir fait le choix de vivre en Argentine ? |
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Je n’ai que 27 ans, ce n’est pas un choix de vie définitif. Je suis partie en Argentine il y a un an car le continent tout entier m'attire, j'ai vécu à Cuba aussi. Je parle espagnol depuis longtemps, j'ai grandi dans notre culture hispano-nîmoise (mon grand-père est Catalan) et je danse le tango depuis 7 ans. Buenos Aires était une des destinations qui m’attirée et j'ai surtout voulu suivre un défi personnel. Il n'est pas dit que je vivrai longtemps ici, mais pour l'instant, je m'y sens bien. De toute façon, je me sens heureuse partout où je vais. |
Le tango a-t-il été un moteur dans votre choix ? |
C'était l'un d'eux, oui, puisque j'ai commencé à apprendre à le danser il y a 7 ans et que je ne pense pas qu'il y ait une ville plus à même de me permettre de me perfectionner. Cependant, Buenos Aires est connue pour beaucoup d'autres trésors et celui qui m'intéressait le plus : le dynamisme de sa culture, de façon générale. Aujourd'hui, presque par hasard, j'ai été repérée par un producteur avec mon ami et nous allons enregistrer un disque de tangos franco-argentins qui sortira vers le mois de mai. Il s'agit d'un duo guitare et chant: "Aluzinahu". |
Le tango peut avoir une image "vieillote", qu'en pensez-vous ? |
De son image ou du tango lui-même ? Le tango est un genre en perpétuelle rénovation, ici bien sûr, mais aussi ailleurs, parce qu'il se prête extrêmement bien à la fusion. Mieux encore, il est né de nombreux allers-retours entre des cultures très diverses: africaine, cubaine, gaucha (c'est-à-dire de la province argentine), européenne,... Il reflète la réalité de l'époque à laquelle il est composé et cette époque va du tout début du XXème siècle à nos jours. Sa poétique repose sur l'expression de cette réalité populaire. L'image que l'on en a... varie beaucoup d'une personne à l'autre. En France, beaucoup sont restés sur l'idée du tango français des années 1920, assez éloigné du tango argentin de fait. Musicalement, il n'a qu'une coloration tango qui faisait "exotique" à l'époque et plaisait beaucoup, comme la rumba ou d'autres rythmes alors nouveaux. Quant à la danse, la tango de salon "vieillot" n'a rien à voir avec le tango argentin, danse actuelle, pour moi la plus libre des danses de couple. Ce sont deux choses différentes, que l'on peut aimer ou non, mais qu'il ne faut pas confondre. |
A quoi ressemblent vos journées-type ? |
Je me lève vers les 9h, déjeune sur ma terrasse, puis je me mets au travail, pas facile vu que j'ai 3 ou 4 fonctions, toutes bénévoles pour l'instant. Je travaille souvent depuis chez moi ou vais à l'un de mes 2 bureaux. Le matin, je m'occupe en général du festival de Tango coopératif que nous sommes en train de créer avec le grand Centre Culturel de la Coopération et dont je suis l'une des directrices. L'après-midi, je suis productrice et coordinatrice d'un festival de cinéma latino-arabe, impliquée dans la diffusion des atrocités commises en terre palestine par l'État d'Israël. Je traduits à cet effet un essai, depuis chez moi.. Le festival a lieu en novembre, mais nous proposons des événements toute l'année. En fin de journée, je vais donner parfois un cours de français pour financer ma vie ici. Le soir, je vais répéter avec mon ami pour le premier disque d'Aluzinahu. Plus tard, je sors, souvent en milonga (= bal de tango) mais pas uniquement. Le week-end, je fais le ménage, dors plus longtemps... il m'arrive aussi de travailler pour une revue culturelle dans laquelle je suis rédactrice, ou bien je termine une tache en cours. Je m'emploie à être heureuse et utile, ce qui revient au même finalement, peu de gens le savent et c'est dommage. Mais en tout cas Buenos Aires me confirme que le bonheur n'est pas une question d'argent. |
Quels conseils donneriez-vous à un Nîmois qui arrive à Buenos Aires ? |
Pour avoir vécu à Paris un petit moment, je peux certifier que l'acclimatation à Buenos Aires est pluôt facile. D'abord et surtout par rapport au climat, violent dans la chaleur et le bleu de son ciel comme dans ses bourrasques ou ses pluies torrentielles. Et puis Buenos Aires compte beaucoup de Méditerranéens parmi ses habitants, nos références sont très semblables, sur la famille, la nourriture, la culture du café en terrasse... Ce qui change? La langue, essentiellement, et surtout la taille de cette ville, qui sous ses airs parfois paresseux est une énorme machine! Ah, il y a autre chose: dans ce pays, contrairement à d'autres hispanophones, il existe une traduction parfaite de la "flemme": on dit "fiaca"! |
Comment sont perçus les Français là-bas ? |
Plutôt bien en général, avec les clichés habituels : le français est une langue belle et romantique, la culture est incroyable et inspire de nombreux courants, le fromage est excellent, et à croire les porteños ils ont tous des ancêtres français! D'autres pensent que les Français sentent mauvais, sont râleurs, et pour les plus politisés, que nous sommes tous des impérialistes en puissance. Mais les clichés m'intéressent peu. |
Le nouveau Pape et le footballeur Léo Messi sont-ils des icônes dans ce pays ? |
Je ne suis pas catholique, mes amis non plus en général, et le nouveau chef du Vatican, bien qu'argentin, n'est rien d'autre que le chef du premier lobby mondial. Cependant, certains politiques font mine de le célébrer comme s'il s'agissait d'une victoire nationale. Messi oui, beaucoup plus, mais l'amour que les gens lui portent est encore assez loin du fanatisme qu'ont pu susciter les 3 Argentins les plus populaires : Carlos Gardel, Juan (et Evita) Perón et Diego Maradona. |
Beaucoup de Nîmois dansent le tango et viennent à Buenos Aires, le saviez-vous ? |
Oui, Nîmes est un haut-lieu du tango en France, j'adore la milonga de la place du Chapître. Et les tangueros du monde entier se retrouvent à Buenos Aires s'ils le peuvent. |
Quels sont vos liens actuels avec Nîmes ? |
J'y ai presque tous mes amis et ma famille, et Nîmes est MA ville, au-delà du fait que d'autres m'ont adoptée aussi. |
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