Un cœur pasteurisé !
« Dernier enfant d’une fratrie de six, j’avais en moi une cicatrice parce que l’on m’avait dit un jour que j’étais l’enfant de trop », se confie Jean-Louis Poujol, 66 ans dans son livre intitulé « Mille mercis ». Ainsi le lecteur comprend mieux pourquoi il va s’employer à « tout faire pour exister ». Sa vie bascule en 1976 lorsque Jean-Louis entend le diagnostic du médecin suite à une nécrose des os. Il lui recommande de « profiter de la vie » comme s’il s’adressait à une personne en sursis. « J’ai vraiment cru que j’allais mourir », indique les tremolos dans la voix le sexagénaire. Alors Jean-Louis, le conducteur de train à la SNCF s’interroge. « Je me suis dit d’où je viens et où je vais ? ». C’est alors le point de départ d’un nouveau Jean-Louis Poujol. Il décide de consacrer sa vie entière aux autres. « Au travers de la foi, j’ai eu la réponse à mes questions ». Après deux années d’études à Paris, Jean-Louis Poujol se « pasteurise » sur le tard. Il rejoint les 12 pasteurs de Nîmes. Le pasteur Poujol veille avec une attention toute particulière à la communauté protestante composée de 3 000 familles nîmoises à laquelle il faut ajouter les 1 500 familles qui fréquentent l’église évangélique. |
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Un parcours simple |
La vie de Jean-Louis Pujol démarre dans la demeure familiale dans laquelle il vit encore à Mus, petit village gardois. Ses ancêtres, enterrés sous ses pieds, lui donnent une forme de sérénité. La maison abrite parfois la famille entière : 3 enfants et 8 petits-enfants. Une famille dont les racines remontent à 1650. L’enfance du pasteur est simple. « Une famille très pauvre ». Son père était paysan. Protestant et pratiquant. Le dernier des six enfants fait une scolarité normale, sans éclats. Ecole privée à Aigues Vives. Lycée à Vergèze. A 18 ans, le jeune Jean-Louis part travailler comme magasinier chez Tendil (commerces de vélos) à Nîmes. En 1968, il entre aux chemins de fer comme employé de base. Il a 35 ans lorsqu’on lui annonce qu’il ne pourra plus conduire les trains de marchandises à cause de son poignet gauche, touché par une nécrose des os. |
Le Noël aux Costières |
Jean-Louis Poujol est sans cesse en activité. Bien sûr, il célèbre les naissances, les baptêmes, les mariages, les décès des protestants nîmois. « Je rejoins l’autre là où il est ». Mais pas seulement. Il le fait pour les Nîmois non protestants, pour les non croyants, pour les gens qu’il croise sur sa route en toute simplicité. Ses activités d’humaniste se promènent dans les couloirs des hôpitaux auprès des grands malades et dans les cellules de la prison. « Même s’ils nous emmerdent, ils n’en restent pas moins des hommes et des femmes qui ont besoin de parler », me dit-il dans toute sa bonté. Deux projets majeurs ont permis au pasteur de faire de lui un personnage respecté et apprécié des Nîmois : la maison des parents située non loin de l’hôpital Carremeau et du centre Martin Luther King et le Noël aux Costières (dans une salle du stade). L’aventure démarre sous la bulle des arènes de Nîmes en 1996. « Le Don Camillo » s’adresse au maire communiste de l’époque, Alain Clary. Jean-Louis Poujol va déployer une énergie folle pour accueillir ses convives. Chaque année, ils se retrouvent toujours plus nombreux à la salle du stade des Costières dans une ambiance de grande fraternité. Désormais c'est Frédéric Soriano, président de l'association Pastorale nîmoise* qui a pris le relais du Pasteur Poujol. |
Un pasteur apprécié et parfois contesté |
Il le reconnaît facilement « je suis un peu en marge, atypique ». Son discours religieux n’est pas dogmatique. C’est peut-être pour cela que le pasteur est si apprécié des Nîmois. Mais Jean-Louis Poujol se heurte parfois à des peurs et des incompréhensions. « J’ai récupérer 8 caravanes pour les ROM et je sens que cela ne fait pas plaisir à tout le monde ». Sa prise de position publique pour Françoise Dumas, la députée, lui vaut régulièrement des pressions et des remarques appuyées. « Elle m’a aidé comme jamais pour financer la maison des parents, il est normal que j’en témoigne ». Sur la montée de l’individualisme, du Front National, du rejet de l’autre, du racisme, il répond d’une grande sagesse « la peur de l’autre n’est jamais un bon patron ». Nîmes n’est plus la ville où les catholiques et les protestants s’affronter dans une violence inouïe. La communauté protestante ne fait plus les élections ou la vie économique mais elle y participe grandement avec sa discrétion légendaire. Elle participe de son identité comme les autres communautés, qu’elles soient vieillissantes ou émergeantes. Ce qui importe pour le pasteur, c’est que « les Nîmois soient toujours aussi généreux et qu’ils aient du cœur ».
*www.noelauxcostieres.com
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Un Nîmois : |
le pasteur Albert Berrus. Il était le pasteur le plus connu à Nîmes. Il circulait à vélo et était très abordable. |
Un lieu : |
les arènes de Noël à partir de 1996 sous la bulle. |
Un événement : |
la féria de septembre car les Nîmois s’y retrouvent comme dans une grande fête de village. |
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