Un Nîmois a défendu le premier le capitaine DREYFUS
« Une à Nîmes » revient sur cet épisode glorieux qui met en lumière un Nîmois courageux et humaniste. Bernard Lazare, journaliste et écrivain, s’est illustré contre l’opinion générale avec une grande passion de la justice dans la tristement célèbre affaire « Dreyfus ».
Si vous vous êtes promenés dans la rue de Bernis, vous avez peut être remarqué en face de l’Hôtel de Bernis, au numéro 2, une plaque gravée qui témoigne de cette fabuleuse histoire du premier défenseur du Capitaine Dreyfus. C’est dans cette maisonnée qu’a grandi le rebelle et incontrôlable Bernard Lazare, grand journaliste de son époque. Il est né à Nîmes le 14 juin 1865, Lazare Marcus Manassé Bernard. Il sera l’aîné de 4 garçons. C’est dans cette famille à l’esprit religieux que Lazare montrera son caractère rebelle. Refusant l’éducation juive, il est allergique aux maîtres et donneurs de leçons. Scolarisé dans les établissements publics de la ville, école primaire de la Maison Carrée, ensuite Lycée public de garçons, à la Grand'rue, il va donner du fil à retordre à ses professeurs, son esprit indépendant va continuer à forcir avec sa maturité. Pas de compromis avec ses idées, il deviendra anarchiste. |
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Le contexte de l’affaire Dreyfus |
L’affaire Dreyfus est un conflit social et politique majeur de la Troisième République survenu à la fin du XIXème siècle, autour de l’accusation de trahison faite au capitaine Alfred Dreyfus, Français d’origine alsacienne et de confession juive, qui sera finalement innocenté. Elle a bouleversé la société française pendant douze ans, de 1894 à 1906, la divisant profondément et durablement en deux camps opposés, les « dreyfusards » partisans de l’innocence de Dreyfus, et les « antidreyfusards » partisans de sa culpabilité. Bernard Lazare fût donc un des premiers « dreyfusards ». |
La rencontre entre Dreyfus et Lazare |
Les deux sœurs du capitaine Dreyfus avaient obtenu la permission de voir leur frère à la prison de la Santé. La visite eut lieu dans le cabinet du directeur, en sa présence. Lorsqu’elle eut pris fin et que Dreyfus fut sorti, le directeur de la prison, Forzinetti, dit aux deux sœurs que la situation du prisonnier était effroyable et que deux hommes seuls, à son avis, pouvaient faire quelque chose, Drumont (rédacteur en chef du journal Libre Parole) et Bernard Lazare. Une tentative auprès de Drumont était impossible. Mais le beau-père de Mathieu (le frère du capitaine Dreyfus) connaissait des membres de la famille Lazare domiciliés à Carpentras. Ces derniers fournissent une lettre d’introduction auprès de l’écrivain nîmois et la première rencontre entre Mathieu Dreyfus et Bernard Lazare a lieu en février 1895. |
La publication qui fait scandale |
Ce dernier est convaincu de l’innocence du capitaine après plusieurs rencontres. Une stratégie est élaborée. Le 6 novembre 1895, c’est la publication de la brochure signée par Bernard Lazare « Une Erreur judiciaire. La vérité sur l'affaire Dreyfus ». Imprimée à Bruxelles, la brochure est tirée à 3000 exemplaires. Pour déjouer une saisie éventuelle, les 7 et 8 novembre, tous les parlementaires, les principaux journalistes parisiens et diverses notabilités du monde littéraire et scientifique trouvent dans leur courrier cette brochure de 24 pages. Elle est signée Bernard Lazare. Bernard Lazare, qui faisait œuvre de polémiste et nom d’historien, avait à dessein donné dans la brochure l’impression qu’il était bien renseigné, quitte à glisser habilement sur les énormes lacunes de ses informations… |
Toute une vie mise en danger pour la vérité |
Pendant toute la durée de l'affaire, il collabora au journal L'Aurore. Il avait fait le sacrifice absolu de son présent et de son avenir littéraire à ses idées d'humanité et de justice. Il avait, avant d'être atteint par la maladie qui l'a emporté, publié aux Cahiers de la Quinzaine une étude très complète et très documentée sur les Juifs de Roumanie. D'autres oeuvres restèrent inachevées. Bernard Lazare, par son entière abnégation, par la parfaite dignité de sa vie, a marqué les esprits tant il a provoqué et heurté le plus violemment les sentiments et les préjugés. Il avait une vision négative des hommes politiques. Cette affaire semble faire écho à la montée des idées extrémistes actuellement en France avec notamment la récente affaire « Léonarda », prénom de cette jeune lycéenne expulsée avec sa famille en Roumanie. Bernard Lazare ne connaîtra pas l’heureux épilogue de l’affaire Dreyfus. Il est mort à trente-huit ans, le 2 septembre 1903, sans laisser aucune fortune. Il y eut peu de personnes à ses obsèques, le 4 septembre 1903 ; si Mathieu Dreyfus était parmi les assistants, son frère, en Suisse avec les siens, malade, n'a pu faire le voyage et les journaux hostiles, méconnaissant les raisons de son absence, l'ont commentée de façon désagréable. Si vous abordez le jardin de la Fontaine de Nîmes par la porte Est, juste après un bâtiment sanitaire, sur votre droite il y a un rocher, au milieu de la végétation et à moitié cachée vous apercevrez une plaque commémorant l’emplacement de l’ancienne stèle de Bernard Lazare. En juillet 1909, une main inconnue, cassa à coups de marteau le nez de Bernard Lazare pour l'offrir à Charles Maurras, comme presse-papier. Depuis lors la statue profanée est connue à Nîmes sous le nom de desnasa... Ces mutilations imbéciles vont se poursuivre au fil du temps. Elle sera dynamitée selon certains ou bien démontée selon d'autres, pendant l’occupation allemande. Le souvenir de Bernard Lazare veut encore l’objet d’actes incompréhensibles comme si son courage faisait encore polémique de nos jours. Jérôme Puech en collaboration avec le site www.nemausensis.com |
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