Le relieur DESCHAMPS en ville
Ce commerce existe depuis 1855. Il a traversé le temps et les époques pour permettre la mise en valeur de nos livres anciens et récents. Reportage sur un métier et un commerce à l’ancienne.
C’est en écoutant Daniel-Jean Valade, adjoint au maire délégué à la culture, lors d’une conférence fort passionnante sur les livres d’or de la ville, que l’idée est venue de mettre en lumière ce vieux commerce nîmois. Le relieur Deschamps ayant exécuté un travail formidable de reliure des livres d’or de la ville, c’est donc tout naturellement que les pas d’Une à Nîmes nous mènent dans la Grand’rue, en face de l’école des Beaux arts, sur le pas de porte d’une vieille enseigne nîmoise. Le métier est ancien. « Il date de l’époque de la naissance de l’imprimerie, au XVème siècle », explique Claude Deschamps. Depuis 1998, il tient avec sa femme, Géraldine, ce commerce atypique de relieur. Il en existe seulement deux à Nîmes. Les clients viennent ici apporter leurs ouvrages en tout genre : minutier de notaire, dessus de bureau, pochette, état civil d’une mairie, restauration de livre ancien, ouvrage familial, livre d’or… La plupart des clients sont des Nîmois, des Gardois mais aussi des Russes, des Allemands. |
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La petite histoire |
L’aventure de ce commerce de soins aux livres débute dans un petit atelier du boulevard Gambetta avec son créateur Monsieur Margraf en 1855. Ce nom figure d’ailleurs sur la devanture verte Napoléon. C’est en 1968, époque de tous les possibles, que le papa de Claude décide d’acheter ce commerce pour en faire son activité. C’est en voyant travailler son père que Claude trouve le goût de ce travail manuel si minutieux. Il apprend le métier par mimétisme. Trente années plus tard, il reprend le flambeau. En 1998, il décide d’emménager en face de l’école des Beaux-Arts. Aujourd’hui, la boutique résiste toujours au temps qui passent. Le travail ne manque pas malgré l’appel inexorable de la dématérialisation proposé par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ici Gutenberg n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire. Les amoureux des livres et des belles choses viennent prendre soin de leur trésor de famille ou de cœur. |
Témoins de l’histoire des livres |
Parmi les travaux dont Géraldine et Claude sont fiers, on trouve le soin apporté aux premiers livres de notre civilisation, les incunables. Les incunables se sont les livres imprimés en Occident avant 1500. Restaurer et prendre soin d’un tel témoin de notre histoire doit être une mission passionnante. Le prix de tels livres peut dépasser les 100 000 euros. Le silence et la quiétude de cette boutique semblent être le lieu idéal pour se transformer en hôpital pour livres blessés par le temps et par ses usagers inconscients. Claude aime « ce rapport avec le client et les belles pièces qui passent entre ses mains ». |
Au service des artistes |
L’autre facette du travail, c’est l’accompagnement des artistes locaux et régionaux. Ainsi Claude témoigne du livre commandé par le célèbre photographe arlésien, Lucien Clergue, pour ses évocations de Manitas de Platas ou Dali. Dans cette couverture, Claude a fait preuve de toute son imagination et de toute sa créativité pour répondre à la commande de l’artiste. Il en est ainsi des gravures de Formica, des pochettes du peintre José Pirès ou encore du livre blanc de Tombereau. La boutique Deschamps donne le sentiment d’un rencontre permanente entre les artistes et le relieur. Sous certains angles, la boutique ressemble davantage à une galerie qu’à un atelier. De l’intérieur, on aperçoit les futurs clients, ceux qui étudient les arts. Géraldine propose également ses propres peintures dans ce concert artistiques. Le relieur Deschamps ne résiste pas uniquement au temps mais également à la paupérisation du centre-ville. Les inquiétudes d’hier laissent place à de l’espoir quant au devenir de la Grand’rue. « La récente installation du restaurant La Terna » rassure le couple aux mains agiles. Alors que la porte excite la petite cloche, j’observe depuis l’extérieur les mains de Claude reprendre vie sur son établi. Courbant l’échine, il prend délicatement quelques feuilles d’or pour redonner l’éclat d’antan à ce vieux livre qui était, sans doute, destiné à mourir sous la poussière et l’indifférence. |
Plus de renseignements : www.reliure-deschamps.com |
Reliures Deschamps en chiffres : |
100 000 euros : la valeur d’un livre appelé « incunable » |
13 grand’rue : l’adresse |
42 euros (en moyenne) : pour faire relier un livre format A5 |
1855 : création de l’atelier appelé « Deschamps » aujourd’hui |
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