Un dimanche aux halles: mode d'emploi
Commencez par acheter le Midi Libre et un quotidien national (ex : le JDD), histoire d’être au courant des derniers résultats sportifs et de lire les indiscrétions du microcosme politique local à l’égo surdimensionné. Une entrée par la grande porte des halles s’impose si l’on a une tête correcte de César voulant triompher dans les galéjades de comptoirs à venir. L’inconvénient c’est que vous risquez de croiser l’œil culpabilisateur des derniers extrémistes de gauche dont le plaisir est de chasser le bobo au petit matin. Pour celles et ceux qui n’ont pas eu le temps de faire un arrêt au stand de la salle de bain, il est fortement conseillé d’entrer sur la droite, autrement appelée « la porte des roumains ». Elle crie souvent des « s’illll voouuuus plaaaaît » bien reconnaissables. Vos chevelures devraient pouvoir se tutoyer non sans mal.
Orgasmes dominicaux
Si vous entrez par la porte « roumaine », vous repérerez sur votre droite l’objet d’orgasmes dominicaux, je veux parler de la fameuse chantilly des Halles. Délicatement déposée sur un rassemblement de Garriguettes, ce produit crémeux blanc provoque des sensations buccales intenses au point de parfois vous faire oublier « la sieste provençale » ou rapport sexuel en concerto majeur avec les cigales de l’été.
Du noir aux blancs
Le banc des filles "Puech"
Vous voilà dans l’allée principale. Il s’agit de boire un petit noir, de préférence au comptoir de l’auberge des halles en regardant Arlette s’affairer. Deux missions : commander le café et tenter de provoquer une saute d’humeur chez un des personnages du temple de l’identité culinaire nîmoise. Essayer le comportement des politiques locaux ou la climatisation défectueuse. Cela devrait suffire amplement. Pour les plus chanceux, vous pouvez revenir déjeuner (pas de réservation possible) et déguster les terribles cœurs de canard. De quoi vous en boucher un coin. Ensuite direction le petit comptoir pour un blanc tout aussi grand. Ne manquez pas de saluer les filles Puech. L’Aveyron et ses produits de volailles exquises vous appellent. Un coup d’œil léger à Mathieu Maubon pour vérifier s’il perpétue l’esprit d’Henri Nadal et ses senteurs digne d’un « El gringo » de par ici. Il a plusieurs grains.
Occuper le cours central
Comme Nadal justement, vous êtes sur le cours central. Plein axe, le coude accroché au zinc à tenter de trouver quelques compagnons d’apéritif. Essayez la traditionnelle pique au serveur de type « ah vous êtes enfin réveillé ? ». Cela met toujours de bonne humeur pour la suite de la cascaille. Missionnez femmes, enfants ou amis pour aller chercher deux trois barquettes de charcuterie délicieuse chez Marcon dans la diagonale d’en face. C’est la fête du cholestérol ! Ici le plaisir de revoir Elsa ou Cathy les camarades de classes du lycée Daudet. Le troisième verre aidant, on peut leur dire devant poussettes, cris d’enfants impatients et maris conquis à l’étranger : « j’étais vraiment sous ton charme au lycée ». Les joues rosies, il temps de se mouvoir.
Jouez à l’extérieur
Florian dit "Moquette" au plateau
L’heure est venue de sortir des halles direction le bar extérieur : le comptoir des halles. Le lieu est souvent gorgé de soleil. Le temps est comme suspendu. L’ambiance paisible est orchestrée par Gérard et Florian, alias Moquette. Ce sont sans doute les deux cafetiers les plus doués de la ville. Les coupines sont enfin là. Après s’être débattues avec un maquillage hâtifs et moins regardant que la veille, elles tentent le défilé sous les regards embrumés. Leurs masques solaires cachent des visages fatiguées et permettent les coups d’œil discrets sur la gente masculine. Parmi elle, les bruyants membres de fanfare la plus connue des lieux : « les peillasses », championne du monde dans leur catégorie. Ce n’est pas rien. Saisissez un tuba du groupe et avec votre masque plongez vous dans cette fin de matinée délectable. Guillaume, Philippe et Dan ont eu la bonne idée de rapporter des olives de chez Daniel et les petits pâtés nîmois. Il s’agit de bronzer à l’aide d’un accélérateur de pigmentation de peau : le rosé des Costières de Nîmes.
Damned il est déjà 13h57, vous avez oublié femmes et enfants dans votre logis. Votre laisse, le dernier I Phone, vous le rappelle avec colères et vibrations frénétiques. Alors, il s’agit d’espérer trouver un bouquet de fleur dans l’allée centrale en signe de paix et quelques tuiles aux amandes et minerves de chez Villaret, la boulangerie de la place de l’horloge. « Un dimanche sous vos applaudissements » vous murmure dans un lointain souvenir un Martin compatissant de la vieille boîte à images.
Jérôme Puech
Lire aussi les halles vues par Christian Liger dans "Nîmes sans visa" page 318 - éditions Robert Laffont
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