La féria de Nîmes a-t-elle perdu son âme ?
Insécurité grandissante, baisse de la fréquentation, musiques débiles, beuveries, corridas souvent avec les mêmes toreros, bodegas aux prix exorbitants, intoxications alimentaires, course aux décibels … La féria de Nîmes qui débute le 15 mai prochain est une vieille dame de 60 ans. Elle divise ceux qui ne s’y retrouvent plus et ceux qui continuent à faire la fête chaque année avec la même joie.
La féria est la vitrine de Nîmes. Près de 800 000 personnes se rendent dans la cité des antonins durant le week-end de Pentecôte. Les médias ne manquent jamais de faire des reportages sur cet événement populaire. Les bars, les restaurants et les hôtels profitent de cet afflux exceptionnel pour gagner de l’argent. Les arènes tentent de séduire avec le programme taurin. La ville de Nîmes développe des festivités dans toute la ville et pour tous les publics. Mais l’envers du décor est moins attrayant, avec une insécurité inquiétante, des hordes de personnes ivres, des musiques éloignées de l’identité espagnole avec des décibels toujours plus forts et des traditions de moins en moins honorées. |
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La fête du toro |
La féria est avant toute chose la célébration du taureau. De moins en moins de personnes participent aux corridas, sauf cas exceptionnel comme l’événement taurin avec José Tomas en septembre dernier. « Je me demande si les gens qui vont à la féria savent qu’il y a des corridas dans les arènes », regrette un aficionado averti. La corrida n’est plus un art populaire. Elle est réservée à une certaine catégorie de personnes. Les places sont chères et de moins en moins accessibles au plus grand nombre en période de crise. Les matadors sont presque toujours les mêmes, confisquant l’attention portée aux matadors français et locaux. Les années Nimeno II étaient remarquables car la ville vibrait pour son matador. |
La rue fait peur |
Chaque fin de féria est le moment d’apprendre avec stupéfaction dans les pages de faits divers la totalité des actes de délinquance. Sabine indique sur le mur de la page « Une à Nîmes » de Facebook qu’elle « n’ose plus s’y rendre avec les enfants ». Pour elle, la féria semble avoir perdu son attrait familial et convivial à certaines heures de la journée. Jonathan compare Nîmes avec Dax, Bayonne et Béziers. Les autres férias françaises sont plus chaleureuses dans la rue. « Les gens s’habillent tous pareil et l’ambiance est bon enfant ». Deux férias s’opposent : celle des privilégiés qui entrent dans des bodegas sélectives et la rue où les fêtards s’en donnent à cœur joie et de manière désordonnée. Une féria à deux vitesses en somme. |
Le manque d’identité commune |
Certes, la traditionnelle « pégoulade », défilé de chars, de bénévoles et de musiciens, est un rendez-vous festif et familial incontournable. Elle donne le coup d’envoi du week-end de fête. Après cela, la féria ressemble à une mosaïque sans lien, sans fil conducteur et parfois donc sans âme. Moins pessimiste, Yann Cannonge défend sa féria en expliquant que « c'est plutôt la société qui damne son âme et oublie ses repères traditionnels ». Il persiste des acteurs et des lieux qui s’échinent à rappeler nos traditions et notre histoire commune comme la bodega de la rue Emile Jamais, Pablo Romero. Les cercles taurins et leurs membres passionnés résistent et entretiennent cette âme qui s’écorne chaque année un peu plus. |
Un attachement toujours aussi fort malgré tout |
Si les Nîmois sont des réboussiers dans l’âme, ils restent attachés à cet événement identitaire. C’est une occasion unique de se retrouver. Ainsi nombreux sont les Nîmois vivant ailleurs qui viennent spécialement pour la féria, pour reprendre goût à leurs véritables racines. Et puis dès lors que vous dites que vous êtes Nîmois, la référence à la féria se fait jour et engage la conversation avec votre interlocuteur. Il nous appartient donc de la défendre, de la changer et de continuer surtout à la faire vivre avec une âme renouvelée. Son concept actuel n’est-il pas à bout de souffle ? Jérôme Puech |
Le top 5 des bodegas avec une âme |
N°1 Pablo Romero – Rue Emile Jamais |
C’est l’endroit où l’âme de la féria est encore préservée. Les Nîmois aiment y aller à l’ouverture et à la fermeture de la féria. On y célèvre la messe sévillane à minuit. |
N°2 La bodega du poète – Rue Thoumène |
Haut lieux des people dans les années 80 avec le présentateur du journal de Tf1, Yves Mourousi. Elle s’ouvre à nouveau dans l’esprit de cette époque bénie. |
N°3 L’hôtel Impérator |
Essentiellement pour son jardin exceptionnel et les acteurs de la féria, les matadors. Beaucoup d’animations sont proposées dans ce lieu magnifique : exposition, concert, rencontres littéraire avec le prix Hemingway… |
N°4 Le prolé – rue Jean Reboul |
Ce rendez-vous des communistes s’impose comme un endroit magnifique grâce à son extérieur plein de charme. |
N°5 La talanquera - place d’Assas |
Bodega dans l’enclos d’une propriété privée, ce lieu est tenu depuis plus de 10 ans par Olivier, François et Mathieu, des trentenaires nîmois très sympathiques. |
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