« C'est la fin d'un contrat mais pas la fin d'IAM »
En concert à Paloma, IAM est encore dans la place ! Bon oui j'avoue, c'est nul comme entrée en matière, vouloir se la jouer jeun's avec un vocabulaire de jeune premier rappeur ce n'est pas très bienvenue quand on a 40 printemps frais comme la rosée.
Mais pouvoir se la jouer quarantenaire lors d'un concert de rap par des quarantenaires, moi je dis bravo, parfait, c'est ce qu'il me fallait ! Et IAM l'a fait le 7 décembre dernier à Nîmes : rassembler les anciens (ça c'est moi) et les plus jeunes (ça c'est l'ado de 14 ans) dans une salle pleine à craquer (ça c'est Paloma). Faire danser et chanter tout ce petit monde sur de vieux tubes (honte assurée pour la catégorie plus jeune... Pourtant je trouvais que je maîtrisais bien le « je danse le Mia » hurlé en sautant à pieds joints !) et sur des tubes en devenir du dernier album «Arts Martiens ». Assister à la conférence de presse en présence d'Akhenaton, Shurik'n, Imothep et Kephren et poser ses petites questions, ça c'est moi qui l'ai fait ! |
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C'est la première fois que vous venez jouer à Nîmes ? |
Akhenaton : Non, on a joué à Nîmes il y a bien longtemps de ça, en 90, pour la féria, c'était une soirée légèrement titubante ! On avait aussi donné un concert à la ZUP sous un chapiteau près du stade, en 93 je crois. A cette époque- là c'était faisable, plus simple et ça correspondait à un mouvement émergent : le Hip Hop qui était proche des gens. Aujourd'hui c'est un mouvement beaucoup plus large et il faut avouer que c'est plus compliqué de jouer dans les quartiers dû à un changement de mentalité global en France, pas seulement à Nîmes. C'est à l'image de la société qui est devenue plus agressive et donc les gens aussi. |
Shurik'n : C'est une question de salle aussi. En général il n'y a pas de salle pour nous accueillir dans les quartiers. Elles sont soit en centre- ville, soit en périphérie ce qui n'est pas plus mal, ça fait bouger et se mélanger les gens. |
Vous faites quoi comme bilan entre « Marseille-Provence 2013 » et le Hip Hop ? |
A : Pas de bilan pour l'instant. Il y a eu trop peu de programmations. Le bilan se tirera dans quelques années. Des lieux ont été financés et on verra dans la programmation ce que ça donne. La Frange rouvre et nous en sommes très contents mais nous aussi on aimerait une Paloma avec le même type d'accès, de salle. C'est comme pour Lille, c'est après que ça se joue. |
Pouvez-vous parler de votre collaboration avec Sébastien Damiani (2) qui est nîmois et qui a signé la partition ou les arrangements d'une dizaine de titres sur votre album « Arts Martiens ». |
A : C'est quelqu'un d'extraordinaire et extraordinairement doué. Dans notre manière de travailler, on écoute de la musique faite à base de samples et c'est une vraie forme d'art que de prendre des samples, les détourner et reconstruire une musique autour. On ne fait ni plus ni moins ce que les autres musiciens font mais sans instrument. La vie, c'est du sampling, dans la mode, c'est la même chose sauf qu'aujourd'hui c'est compliqué de faire du sampling à cause des procès qui sont plus durs qu'aux Etats-Unis. Donc on reconstruit nos samples, on refait nos musiques et avec Sébastien on fait de la composition de samples. C'est une histoire qui avait démarré avant « Arts Martiens » et qui continuera. |
Quels sont vos projets puisque vous avez dit que vous alliez arrêter ? |
A : On n'a pas dit qu'on allait arrêter. On a mis un sticker sur l'album qui dit « dernier album d'IAM ». C'est la fin du contrat avec Universal mais des tas de choses peuvent encore se passer. On ne voit pas la musique comme un sport de haut niveau dans lequel il faut s'arrêter parce qu'on a 40 ans. En tant que groupe on ne sait pas ce qui se passera après. Mais on est sur scène jusqu'en 2015. |
Vous pensez à la production de jeunes peut-être ? |
Shrurik'n : On l'a fait pendant pas mal de temps mais on a arrêté. |
Imhotep : Ca demande beaucoup d'énergie de monter des sociétés, de se lancer dans la production, c'est un autre métier et on ne peut pas tout faire. |
Avez-vous des projets de collaboration artistique ? |
A : On en a en permanence depuis 20 ans avec des chanteurs de soul, des musiciens du classique. Ca peut être un projet de musique live avec des percussionnistes. Ca ça n'arrêtera jamais. C'est comme une tradition chez nous. |
Est-il vrai que vos deux derniers albums ont été créés pour prouver à vos détracteurs que vous n'étiez pas « has been » et encore dans la compétition ? |
S : On a toujours été compétiteurs mais les albums n'ont pas été faits pour ça. |
I : C'est vrai que ça nous a fait plaisir car seulement quelques semaines avant la sortie d'« Arts Martiens », une partie du showbiz parisien et des médias nous avaient remisés au musée, au rayon antiquités égyptiennes. Mais les momies se sont réveillées et on leur a prouvé qu'on était toujours là et qu'on avait encore des choses à dire. |
S : Et qu'on peut encore faire du rap, on ne raccroche pas les gants, il n'y pas de limite d'âge. |
A : En même temps on était sur scène depuis des années, dans tous les festivals et on avait beaucoup de monde sur les dates. Les gens qui parlaient ne se déplaçaient pas en province. On avait l'impression d'avoir deux carrières en parallèle, celle des bruits de couloir de certains médias et maisons de disques parisiens qui parlent sans écouter les albums. Ca c'est très français, une personne écoute un album, vingt personnes en parlent. Et en même temps on était sur scène et ça se passait super bien. |
Quel regard portez-vous sur la scène rap actuelle ? |
A : C'est un regard à 360°. La scène hip hop est devenue aussi diversifiée que la scène rock. Il y a « des » raps maintenant, ce qui permet à tout le monde d'y trouver son compte. |
I : Contrairement aux Etats-Unis en France, on n'a pas de médias rap, de radio nationale rap. Même les radios de service public ne passent pas de rap, ce qui est un scandale car c'est la première musique écoutée par les jeunes. Du coup, ça ne donne une image que sur une poignée d'artistes et en plus elle est faussée alors que si on cherche un peu sur internet, on trouve de très bonnes choses. On aime bien Youssoufa, Orelsan, 995, on les croise sur la route, on a un peu les même goûts musicaux et on se sent proches de cette nouvelle génération. |
S : Ne pas retrouver le rap dans les médias c'est carrément la négation de l'existence de toute une culture. |
1 : Marseille-Provence 2013 (ou MP2013) est une série d'évènements culturels se déroulant à Marseille et dans le département des Bouches-du-Rhône en 2013 à l'occasion du titre de Capitale européenne de la culture. 2 : Sébastien Damiani, pianiste et compositeur nîmois. |
Francesca Lopez-Gilli |
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