Voyage, voyage dans les années 80...
Romstar le commerce de la rue Sully. L’entreprise n’est plus que l’ombre d’elle même. Les flippers, les jeux vidéo, les baby-foot et les billards semblent désuets
mais il subsiste un esprit nostalgique de notre jeunesse.
En poussant la porte démodée, un sentiment me domine, celui de voyager dans le temps et d’arriver dans les années 80. Le temps s’est arrêté. Un temps où je fréquentais assidument les bars de la ville. Je goûtais mes premiers instants de liberté d’adolescent tout en m’échinant sur des machines griffées « Romstar ». On entendait les flippers «claquer » et les cris de joie des nouveaux recordmans de jeux vidéo. |
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Avoir un objet chez soi |
Aujourd’hui, « on se bat comme de beaux diables », explique Michel Romieu, la soixantaine, le patron d’un commerce passé de 19 à 4 salariés. Il gère près de 400 appareils installés dans les bars, les restaurants et les campings du Gard et des départements limitrophes. En sus, une clientèle de particuliers. Elle constitue 40% de l’activité. Sans doute des nostalgiques qui aiment avoir chez eux un objet de leur jeunesse : un Juke-box avec des vinyles, un flipper mécanique Gotlib ou un babyfoot Bonzini. |
Les origines et la concurrence avec le milieu |
Romstar a été créée en 1965 par Etienne Romieu, le père. L’entreprise s’appelle alors « Romieu et Mervant ». L’activité se décline en jeux et distributeurs automatiques. En 1981, la gauche arrive au pouvoir. Le gardois Gaston Deferre, ministre de l’Intérieur, libéralise les jeux de poker dans les cafés. C’est l’euphorie. En 1986, Charles Pasqua interdit les jeux dans les cafés au profit des casinos. Ce qui n’empêche pas le milieu mafieux de jouer le bras de fer avec les entreprises telles que Romstar. « Nous étions menacés de mort et surveillés par la police sans le savoir », glisse Brigitte, l’épouse de Michel. A Nîmes, la guerre fait des morts et laisse à terre un certain Jean Guy en 1987 et plus tard dans les années 90 Serge Lainau. |
La baisse de fréquentation des cafés impacte l’activité |
En 1992, les Romieu se séparent des Mervant en conservant les jeux. Le marché se rétrécit car les bars sont moins fréquentés à cause de l’essor des jeux vidéo à la maison puis des mesures restrictives liées à la consommation de l’alcool et de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. En 2012, le phénomène ne fait que s’amplifier avec Internet et les jeux de poker ou paris en ligne. « Nous sommes devenus une société de service qui dépanne, répond aux urgences et qui vend du matériel pour nostalgiques », indique Michel, déboussolé par le progrès. |
Vers quel avenir ? |
Romstar n’est pas promise à survivre après Michel. Ses produits se rangent au rayon des antiquités. « Les casinos et la Française des jeux pèsent de tout leur poids pour conserver le monopole des jeux » et rendre ainsi l’activité de Romstar de plus en plus contrainte. Certes, il y a la fille de Michel, Fanny. Elle se débat telle Don Quichotte dans la pampa des jeux. Elle crée des animations. Elle investit les réseaux sociaux pour éviter une fermeture trop prématurée. En attendant, les Nîmois ont sans doute encore la chance d’avoir un commerce de proximité, un service de qualité et des produits qui nous rappellent les années 80. « Je suis comme une boule de flipper qui roule », ai-je envie de fredonner en partant. Un dernier clin d’oeil à l’affiche en noir et blanc du film « La couleur de l’argent » et je referme la machine à remonter un temps béni. Jérôme Puech |
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