Mon père, ce héros humaniste
Tout juste 40 ans après, Emmanuel Carrière témoigne du moment où son père a reçu le prix Goncourt pour son livre « L’épervier de Maheux » et des instants qui ont suivi.
Emmanuel Carrière témoigne du moment où son père a reçu le prix Goncourt pour son livre « L’épervier de Maheux »
« J’étais à la Cigale dans la maison de mes grands-parents. On regardait tous la télévision en noir et blanc. Le secrétaire général de l’académie du Goncourt est apparu et a dit que le prix était attribué à… Jean Carrière. Mon grand-père, pourtant très peu expressif, m’a posé debout sur la table du salon. J’avais le droit de sauter », témoigne Emmanuel Carrière. Il avait 6 ans ce fameux 9 novembre 1972 lorsque son papa passe à la postérité. « A cet âge, je n’ai pas réalisé ce qu’il se passait. Même si je savais que j’avais un père différent parce qu’il était tout le temps à la maison et qu’il écrivait des histoires ». |
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Un père absent et libre de vivre sa passion |
C’est après que le jeune Emmanuel se rend compte « de toutes les conséquences de cet instant de vie inoubliable ». Le prix Goncourt lui vole son père pendant deux très longues années. « Il était sans cesse en déplacement à l’étranger ou en France pour signer son ouvrage ou répondre à des interviews ». Emmanuel a la sensation bizarre que le prix Goncourt déclenche « des choses improbables » : mon grand-père et son accident de bicyclette mortel, la grave maladie de ma mère… Finalement le seul avantage de cette exposition médiatique si soudaine, c’est la liberté. Celle qui permet à l’écrivain, proche de Giono, de vivre de sa passion, l’écriture. |
« Un coup de marteau ! » |
Aussi paradoxal qu’il soit, le prix littéraire a plongé l’écrivain nîmois dans une profonde dépression. Jean Carrière a énormément souffert « de ne pas être là » lorsque les événements de la vie ont touché ses proches. « Il a réglé ses comptes avec lui-même et surtout avec les critiques parisiens dans le livre ‘Le prix d’un Goncourt’, explique Emmanuel tout en se disant qu’il n’aurait jamais du publier ce livre. Après la sortie de ce livre, le monde de la littérature lui fait payer très cher ses critiques. Les livres publiés ensuite étaient ignorés. Toute nouvelle sortie de livre était un coup de marteau dans un océan de silence ». |
Un humaniste sensible |
Si l’enfant ne voulait pas que le prix Goncourt lui enlève son papa, l’adulte est toujours très fier de son père et de ses œuvres. « L’épervier de Maheux » est le deuxième livre- prix Goncourt le plus édité après la condition humaine de Malraux. « Ce que je retiens c’est le grand humanisme dont mon père faisait preuve ». Il s’adressait ainsi de la même façon à Mitterrand qu’à un plombier. C’était aussi un très grand sensible. « Peu de temps avant sa mort, je l’ai vu pleurer seulement en voyant la Tour Magne de son enfance », celle qui fait décor derrière Emmanuel et sa photo. |
Jérôme Puech La ville a rendu hommage à l’écrivain le lundi 5 novembre en mairie de Nîmes. |
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