Banditisme : Nîmes, une ville à part ?
Journalistes, avocats, policiers et observateurs s’accordent à dire du banditisme nîmois qu’il est singulier dans la région et même « de tradition marseillaise ». Les parrains nîmois ne se cachent pas dans notre « gros village ». Ils font partie du décor de la ville. Des Nîmois témoignent.
Les parrains nîmois ne se cachent pas dans notre « gros village ». Ils font partie du décor de la ville. Des Nîmois témoignent.
Le 4 octobre dernier, Richard Perez et d’autres personnes étaient mis en examen pour tentative d’assassinat et association de malfaiteurs. Cette figure nîmoise est suspectée d’avoir commandité le meurtre de Raymond Houlonne en février dans le quartier de Vacquerolles. Cet épisode succède à bien d’autres dans notre ville où règne « un banditisme de haut niveau et structuré », selon Pierre Maumejean, ancien commandant de police de Nîmes (1987-2004). Cette spécificité fait de Nîmes une exception dans la région. Elle ne date pas d’hier et prend ses racines dans un conflit qui date des années 90. |
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La petite histoire du banditisme nîmois |
Nîmes avait à l’époque un parrain à l’ancienne, Serge Leynaud. « Les mamelles de ce banditisme-là, c’était de tenir les établissements de nuit, les brasseries et tout ce qui rapporte : le racket, les machines à sous », explique Gilles Soulié, directeur du SRPJ de Montpellier dans une interview étonnante donnée au Midi Libre le 9 octobre. Le clan Perez (Roger et son fils Richard) s’associe à cette figure en le recrutant avec Raymond Houlonne dans leur société de déchets qui prospère. Mais l’entente entre les deux bandes Perez et Leynaud tourne au vinaigre. Richard Perez entre en prison. Serge Leynaud meurt et Roger Perez est assassiné en 2002. Raymond Houlonne se retrouve seul aux manettes. Le parrain du Vaucluse, Marc Monge, essaye bien de prendre la main sur Nîmes mais il est exécuté. Idem pour les frères Munoz, adeptes des machines à sous. Ils seront retrouvés carbonisés dans une voiture près de Pujaut en juin 2001. Laurent Laty (arrêté en juin) et Vincent Rouvière, deux nîmois proches de Raymond Houlonne, purgent actuellement une peine de prison de 15 ans de réclusion criminelle pour ce double meurtre. |
Un homme abordable et sympathique |
« Raymond Houlonne n’a pas l’apparence d’un voyou. Tu peux le croiser régulièrement en ville ou en discothèque. Je lui serre parfois la main. Il a le sourire facile », explique un Nîmois âgé de 40 ans qui souhaite garder l’anonymat. Derrière cette bonhomie se cache pourtant toute l’histoire récente du banditisme à la nîmoise. Etudiant dans les années 90 organisant des soirées privées, Christophe* se souvient que Raymond Houlonne lui avait demandé ne plus en organiser car cela enlevait du chiffre à ses affaires et celles de ses amis. « Il était gêné de me le dire et à la fois très persuasif dans son discours », raconte ce Nîmois qui se dit avoir eu raison de ne pas lui tenir tête. |
Des liaisons dangereuses avec le milieu |
A côté de ce témoignage, celui d’un policier qui décrit un Richard Perez dont « nous savions qu’il y avait des ponts avec la Côte d’Azur. Il s’y rendait avec des valises régulièrement ». On peut donc affirmer que dans les années 90 Nîmes a vécu dans un banditisme de « tradition marseillaise ». Ce banditisme à l’ancienne se manifestait aussi par des relations avec tous les milieux d’affaires, de la politique et de la société civile. « N’oublions pas que Richard Perez, enfant, sautait sur le genoux de l’ami de son père, un certain Spaggiari », explique une source anonyme bien informée. « Il est devenu avec les années un Jacky Le Mat à la nîmoise », poursuit-il en faisant référence à un des derniers gros parrains de Marseille. Qu’en est-il aujourd’hui ? Gilles Soulié dans son entretien avec nos confrères de Midi Libre parle de 4 types de banditisme : le traditionnel, celui émergeant des cités, celui emmené par les gens du voyage et par les pays de l’Est. Il confirme que le Gard et Nîmes sont uniques dans cette typologie au regard de ce qui se passe dans d’autres villes de notre belle région. |
Nîmes montrée du doigt dans les classements |
L’écho est le même chez Pierre Maumejean, ancien cadre de la police « Nîmes se dispute avec Cannes la première place du classement des villes de France où la délinquance est la plus forte rapportée au nombre d’habitants ». A ce sujet, le 12 octobre 2010, Tf1 avait diffusé un reportage édifiant sur la délinquance à Nîmes dans « Appels d’urgence ». Il avait marqué les Nîmois et les élus de tous bords tant l’image était très négative pour la cité des Antonins. Pourtant Laurent Mucchielli, journaliste à Rue 89, conteste les faits en déclarant : « En réalité, la ville qui arrive largement en tête de ce triste palmarès est Saint-Denis (93), suivie d’Avignon (84) et de La Courneuve (93). Nîmes et Cannes arrivent dans le premier peloton qui suit ces échappées, avec des taux de délinquance en réalité comparables à de nombreuses villes comme Nice, Lille, Marseille, Perpignan ou encore Aubervilliers et Bobigny ». Enfin, plus récemment le magazine l’Express a collé en septembre un mauvais 0,6/20 en matière de sécurité. |
A en croire les policiers, il faut donc admettre que Nîmes fait figure d’exception en matière de banditisme régional. Pour ce qui relève de l’insécurité « ordinaire », chacun pourra se faire sa propre opinion à l’approche de rendez-vous électoraux qui mettront sans nul doute cette question sur la table. Nîmes et ses identités pas toujours assumées. |
Jérôme Puech *Le prénom a été changé |
Le banditisme traditionnel |
A la marseillaise ou l’italienne, il fonctionne autour de la main mise sur des affaires et des trafics. Nîmes, à ce titre, est sans nulle comparaison dans la région. |
Le nouveau banditisme des cités |
Le trafic de stupéfiants et les braquages sont le lot des caïds des cités populaires. Nîmes n’est certes pas Marseille (en nombre de tués) mais le fonctionnement est identique. |
Le banditisme lié au gens du voyage |
Il se manifeste par des braquages spectaculaires et des attaques de distributeurs de billets de banque. |
Le banditisme venu des pays de l’Est |
C’est la venue de filles de Bulgarie, Roumanie (prises en otage) et de fraudes liées à l’utilisation aux cartes bancaires |
Le réseau de proxénétisme de « couleurs » |
Se balader la nuit sur le boulevard Gambetta ou dans la rue Vincent Faïta permet de mieux se rendre compte de la prostitution issue de pays africain ou de Guyane |
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