19h35
Il était 19h35 à l’horloge des arènes. 19h35 à toutes les horloges et dans l’ombre du soir qui tombait.
Le dernier Carcigrande s’est engouffré dans la cape de Manzanares à genoux.
Trois fois à genoux (ça sentait la dévotion). Et trois véroniques aussitôt debout, trois véroniques comme des actions de grâce, longues et lentes. Comme un éloge à la langueur.
Le temps venait de rendre son sablier.
La musique a joué, les gradins se sont levés pour ce qui n’était que le début. Sans savoir s’il y aurait une fin.
Plus tard, il était toujours 19h35 : c’est un phénomène qui reste largement inexpliqué, comme si un rayon cosmique où la grâce divine s’était tout à coup abattu sur le vieil amphithéâtre, pour que treize mille regards n’en croient pas leurs yeux.
José-Mari était-il toujours de ce monde ? Dans quelle ouate céleste avait-il baigné ? Voyait-on vraiment ce qu’on regardait ?
Pas la moindre once de vulgarité chez lui, pas un geste de trop, l’épure. Qu’on est loin des tauromachies énervées…Sur le sable, Manzanares ne marche pas, il affleure ; sous la charge, il ne violente pas, il sensualise. Douceur ? Lenteur ?non, plutôt de l’ordre de l’onction. Extrême même.
Comme son engagement pour le récibir foudroyant qui a fait tomber tous les mouchoirs du sacre.
Il devait être autour de 19h35 à l’horloge des arènes, ou moins ou plus, qu’importe ! le temps de toute manière n’avait plus d’importance : il se disait le soir, parce qu’il a bien fallu qu’on réintègre nos enveloppes charnelles (grâce soit rendue à la manzanilla de la Movida) qu’il avait mis plus d’une heure pour rejoindre sa chambre, depuis le hall de l’Atria.
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