« Ich bin ein Berliner* »
A 40 ans, Cyril Albert-Gondrand vit à Berlin (Allemagne). L’ancien élève du lycée Daudet est un écrivain qui s’apprête à éditer son premier livre en anglais en Norvège. Il nous explique un Berlin hors des sentiers battus, celui des artistes sans le sou et des lieux totalement insolites.
A 40 ans, Cyril Albert-Gondrand vit à Berlin (Allemagne). L’ancien élève du lycée Daudet est un écrivain.
Comment as-tu atterri à Berlin ? |
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J’ai vécu à Londres durant 13 ans puis je me suis lié d’amitié avec un Allemand. Je suis allé lui rendre visite et là j’ai découvert une ville dotée d’une grande liberté, une liberté de plus en plus rare en Europe. Alors j’ai décidé de vivre ici. Cela fait 3-4 ans que jy vis avec Natassa, ma femme, d’origine grecque. |
Raconte-nous cette ville… |
Nous vivons dans une ville très cosmopolite. Comme à Londres, j’habite dans un quartier turc. C’est un lieu assez décalé où rien ne semble vraiment organisé. Il y a beaucoup d’artistes qui ont fait le choix de vivre là car les loyers sont très abordables. C’est un quartier à la mode avant que les promoteurs ne s’en emparent et ne fassent flamber les prix. |
La chute du mur de Berlin (1989) est-elle encore dans les esprits ? |
J’étais présent pour le 20ème anniversaire. Le mur est tombé et il n’existe plus. Il est matérialisé par une marque au sol. La différence se fait à l’ouest avec le métro et à l’est avec le tramway. Les Berlinois les plus pauvres sont à l’est. C’est le cas des artistes qui ont squatté certains quartiers, leur permettant d’être à la mode. De manière globale, Berlin reste une des villes les plus pauvres d’Allemagne. Du coup elle attire encore les jeunes de toute l’Europe, les artistes, les étrangers… comme moi. |
Quels sont les endroits où tu aimes aller ? |
Les bars comme le Bellman proposent une atmosphère enfumée et tamisée, bougies et petites lumières rouges, une clientèle de tous âges qui s’amuse à refaire le monde jusqu’aux premières lueurs du jour. Les verres à bière ou à cocktail s’empilent sur les tables. Le mobilier est hétéroclite, un peu bric-à-brac, récupéré chez les grands-parents du barman ou racheté pour trois fois rien à un théâtre. Il y a un piano dans un coin, quelques reliques d’époque sur les rebords des fenêtres… Des vendeurs ambulants qui vont de bar en bar te proposent des sandwichs froids ou la dernière édition du Berliner Zeitung. |
Quels lieux faut-il voir ? |
Cette ville est truffée d’endroits abandonnés du jour au lendemain, lieux insolites devenus magiques. Et si certains ont été réinventés, ils ne sont heureusement pas tombés entre les mains d’entrepreneurs aux dents acérés. Je te donne trois exemples : le parc d’attraction de l’ancienne Allemagne de l’Est, au bord de la rivière Spree, tombé en désuétude après sa fermeture au début des années 2000, la grande roue oscille et grince, animée par le vent, la nature a repris le dessus ; la station d’espionnage américaine sur la colline artificielle de Teufelsberg, la station était chargée d’écouter les signaux en provenance du bloc de l’Est, ferma avec la chute du mur et la fin de la guerre froide, les bâtiments et les dômes de radar sont encore là, à l’abandon (David Lynch a essayé de la racheter) ; l’ancien aéroport de Tempelhof, (utilisé par les nazis puis ensuite par les alliés lors du pont aérien en 1948), fermé en 2008 et converti en un gigantesque espace vert. |
Qu’est-ce qui t’a donné le goût de vivre loin de Nîmes ? |
A 18-20 ans j’étais impatient de découvrir une vie douce et différente que celle sud de la France. En 1998, Jacques Blanc et la Région proposaient des bourses pour aider les jeunes à s’installer à l’étranger. J’ai choisi Londres et ça a marché. J’ai travaillé dans un musée national pour vivre avec le secret espoir de vivre de ma passion, l’écriture. Je me suis d’abord créé une culture littéraire avec des auteurs américains (John Dos Passos, Hemingway, Théodore Dreiser, Charles Bukowski, …). J’ai bu, j’ai rencontré des femmes, j’ai vécu ! Je suis allé vivre en Norvège 4 ans. |
Quel regard poses-tu sur Nîmes ? |
Nîmes n’évolue pas vraiment mais cela fait son cachet. Elle a gardé son identité intacte. Elle est plus propre qu’il y a 20 ans. Il n’y a pas de stress ici. Les gens sont heureux de vivre et prennent le temps. Les Nîmois ont une vraie qualité de vie, bien différente avec les grandes métropoles européennes. La circulation infernale, la pollution, le fait de se jouer la vie sur un vélo sont leur quotidien. Mais question travail et opportunités, il faut aller dans les capitales. Je rêve de revenir ici et de prendre un immeuble dans un quartier pauvre pour en faire une résidence d’artistes. |
*Je suis un Berlinois |
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